Les Mattiarii étaient des troupes d’élite romaines, fondées par Dioclétien au moment du sursaut militaire romain de la Tétrarchie, à partir de légions danubiennes.
Les historiens pensent que les « Mattiaires » sont ainsi nommés pour leur aisance à manier le lancement des plumbatae ou mattiobarbuli, les dards plombés qui équipaient les légionnaires du bas-empire. Ces dards étaient « stockés » dans le creux intérieur des boucliers des soldats romains (a priori au nombre de cinq), et lancés à courte distance pour briser l’assaut ennemi ou lester les boucliers adverses en cas d’attaque. La portée de cette arme n’excède pas 50-60 mètres, mais elle a l’incroyable avantage d’être beaucoup moins encombrante que le pilum, et bien plus ravageuse. C’est bien simple, même l’historien militaire Végèce, pourtant grand conservateur en terme de traditions militaires, chante les louanges de cette arme dévastatrice -et novatrice !- pour les barbares. Le maniement de cette arme était d’ailleurs une tradition des féroces unités du Danube, qui donnèrent les meilleures légions aux tétrarques.
Une chose est sûre, dans l’organisation militaire romaine, les Mattiaires sont une légion d’élite, qui combat toujours avec une unité-soeur de Lanciers (Lanciarii), eux aussi l’élite de l’armée légionnaire.
Au delà de la notitia dignitatum qui semble indiquer que chaque unité de Mattiarii était déployée dans une configuration tactique comprenant une unité de lanciarii, trois témoignages littéraires nous renseignent à la fois sur le caractère d’unité d’élite et sur le « duo » en brigade, cher à la tradition martiale romaine.
Selon Ammien Marcellin, lors de la guerre civile qui opposa -brièvement- Constance II à Julien, le premier demanda au magister peditum Arbétion (ou Arbetio) lors du déclenchement des hostilités de prendre les devants avec les « Mattiaires, les Lanciers et des troupes légèrement armées« . On comprend ici que ces deux unités (qui elles seules ont l’honneur d’une citation) ont été choisi comme fiables, mais aussi projetables immédiatement dans un contexte difficile : la définition exacte de troupes d’élite…
Ce même Julien, une fois empereur, n’employa pas différemment ces deux légions. Lors de son invasion de la Perse, son ordre tactique prévoyait une avant-garde composée de cavaliers légers (des « sonnettes » chargées de repérer l’ennemi) et surtout ces mêmes unités des Lanciers et des Mattiaires, chargées d’encaisser le premier choc et de permettre à toute l’armée de se déployer en cas d’attaque ennemie. Là encore, une place cruciale dans le dispositif, qui leur vaut une citation nominative de la part de l’historien Zosime, pourtant avare de ce genre de détail. On apprend d’ailleurs au détour de la narration que le corps composé des deux légions faisait 1500 hommes, soit 750 chacune. C’est assez cohérent avec le chiffre moyen estimé de 1000 légionnaires par légion tardive. Mais l’attrition liée à la campagne a du sans doute faire fondre les rangs.Pour en savoir plus, vous pouvez vous référez à mon article sur les effectifs des armées romaines au bas empire.
On aurait pu penser que ces unités étaient, dans la pure tradition romaine tardive de l’hyperspécialisation opérationnelle, que les Mattiarii et leurs compagnons des Lanciarii étaient l’élite des troupes de choc commando, destinées à l’offensive, quand leur prestigieuses soeurs des Ioviani et Herculiani seraient leur pendant défensif, troupes lourdes de première ligne, postées d’ailleurs en arrière-garde lors de la retraite de cette même campagne perse, où ces unités incroyables réussirent à massacrer cataphractaires sassanides et éléphant de guerre (!!!). Mais il semble que l’hypothèse soit trop simpliste.
Lors de la terrible défaite d’Adrianople, quand l’Empereur Valens estime que tout est perdu, il va chercher refuge derrière les légions des Lanciers et des Mattiaires. Voici le récit d’Edward Gibbon, le premier des historiens du bas-empire : « Au milieu du tumulte, du carnage et du désespoir, l’empereur, abandonné de ses gardes et blessé, dit-on, par un dard, chercha sa sûreté dans les rangs des Lanciers et des Mattiaires, qui conservaient encore leur terrain avec un peu plus d’ordre et de fermeté que le reste ».
On voit que même dans des circonstances désespérées, les unités d’élite romaines méritaient leur statut ! Il faut quand même imaginer une armée de peut-être 20 000 hommes en train de se faire tailler en pièce (principalement à cause d’un commandement totalement inepte et de l’indiscipline de troupes auxiliaires), avec au milieu 2000 hommes qui tiennent bon. elles tinrent d’ailleurs tellement bien qu’on retrouve les deux légions -classées palatines, soit les unités les plus prestigieuses de toute l’armée- dans la notitia dignitatum, le document recensant toutes les unités de l’Empire.
Elles ont donc survécu au carnage, contrairement à des dizaines d’autres légions et auxiliats. Se retirer en bon ordre en évitant l’annihilation dans ces circonstances dramatique, chapeau !
Les Mattiaires durent longtemps conserver leur réputation martiale puisque presque un siècle plus tard, en 457, c’est un simple tribun issu de leurs rangs qui fut désigné Empereur au Palais du Hebdomon à Constantinople. Léon Ier fut choisi par le puissant patrice Aspar (qui ne pouvait prendre le pouvoir car barbare et arien de surcroit), aussi poussa-t-il à la nomination d’un officier appartenant à sa clientèle mais dont le prestige devait être suffisant pour rendre le choix crédible. Il semble qu’être officier des Mattiarii devait l’être suffisamment !
A la fin du IVème siècle, il y a encore 5 unités de Mattiaires : deux des plus prestigieuses, les Mattiarii seniores et iuniores, sont des légions palatines, l’élite de l’élite de l’armée d’Orient. Chacune d’entre elles appartient à l’une des deux armées stationnées près de Constantinople, et il n’est inintéressant de noter qu’à chaque fois on retrouve une unité -palatine, elle aussi- de Lanciarii, seniores et iuniores. Il est fort probable que le dispositif en « brigade » (deux légions employées de concert) ait perduré pour ces unités, comme au IVème siècle.
En Illyricum, il y a aussi une unité de Mattiarii constantes, mais il est probable qu’il s’agisse d’une mauvaise copie du terme Mattiaci, du nom d’une tribu franque qui aura donné de nombreuses troupes à l’Empire, dont les Mattiaci seniores et les Mattiaci iuniores gallicani. Cela dit, leur statut de légion, et donc de troupe romaine, rend discutable ce dernier argument me semble-t-il…
Même débat avec l’auxiliat palatin des Mattiarii Honoriani Gallicani, un auxiliat palatin basé lui aussi en Illyrie. Leur appartenance à la même armée semble faire penser que ces deux unités sont liées, et qu’en réalité il s’agisse de deux auxiliats, notamment après examen de l’épisème de leur bouclier. Celui des Mattiarii Constantes est partagé en Orient avec plusieurs autres unités, qui sont toutes des auxiliats.
Reste la dernière unité, celle que représentée ici : les Mattiarii iuniores. Facile d’y voir le pendant occidental des Légions palatines de Constantinople. Mais de la même manière qu’il n’y a pas d’unité palatine de lanciers à l’ouest (à part les Lanciarii Sabarienses, mais il s’agit clairement d’une promotion très tardive dans l’armée des Gaules d’une unité frontalière danubienne), ces Mattiarii-là sont une légion comitatensis de l’armée d’Italie. Neuvième de la liste globale occidentale, première iuniores, j’ai pour ma part la sensation que les Mattiaires seniors ont été détruits durant les dernières décennies du IVème siècle, d’où leur absence de la liste. Il ne faut pas oublier qu’entre les invasions parfois brutales (la Gaule a été ravagée par les Alamans à la moitié du IVème siècle, et nombre de garnisons frontalières ou même de villes importantes ont été détruites) et les guerres civiles, de nombreuses unités ont été perdues.
Je ne suis malheureusement pas en mesure de lire l’ouvrage en allemand de l’historien Hoffmann, qui faisait le compte des unités perdues lors des différents conflits en étudiant de près la notitia. J’imagine que j’aurais pu en apprendre plus !
Pour réaliser cette unité, j’ai repris mon mélange des trois sets de Hät industries, l’infanterie lourde, légère et les archers. 41 figurines provenant des sets Hät 8087, Hät 8100 et Hät 8137 auxquelles s’ajoutent quelques germains de MiniArt 72013 Germanic warriors pour surveiller les chariots et les valets de la légion.
Enfin, j’ai ajouté un boite de strelets de « roman transport », soit un chariot tiré par des boeuf ou des chevaux, ainsi qu’un certain nombre de valets et de cantinières. Une loi romaine prévoyait deux chariots par légion pour le transport des blessés. Mes matiarii en auront un !
Chaque légion était en effet accompagnée au bas-empire par deux chariots selon une loi promulguée par l’état romain, destinés au transports des blessés. C’est extrêmement peu, surtout quand on compare aux milliers de mules et de chariots qui accompagnaient les légions impériale deux siècles avant. De ce point de vue, même si elle restait très organisée, la légendaire logistique militaire romaine n’était plus la même. Fondamentalement, on assiste à une réduction du rayon d’action des armées romaines. Dispersées dans des villes ou des civitates dont elles dépendaient pour la subsistance pour l’annone et l’hospitalitas, incapables de se projeter loin du limes faute d’une organisation logistique aussi performante, les légions romaines en sont réduites à se battre sur leur territoire pour bénéficier d’un avantage tactique. Les incursions en territoire ennemi se raréfient. La dernière opération d’envergure outre-Rhin sera l’œuvre du Magister Militum Arbogast contre les Francs Ripuaires en 392. Incursion d’importance qui pacifia les Francs pour plusieurs décennies !
Pour les bêtes, les valets et les chariots, j’ai enfin pu utiliser des figurines du fabricant Strelets. Elles sont intemporelles, et peuvent très bien être utilisées pour ma légion de Mattiarii !
Les tentes proviennent d’un fabricant indépendant italien, phersu miniatures. Je lui ai commandé ses superbes modèles, que je vous recommande. Attention au montage par contre, il y a peu de surface porteuse et ça se révèle assez ardu. Pour être sûr que mes tentes tiennent le coup et pour ne pas avoir de jour entre les pièces, j’ai fait tenir avec ma fameuse pâte qui m’a servi à faire les manteaux des equites crispiani. et ça a marché !
Très bel article et magnifique mise en scène comme d’habitude!
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Merci Phil ! ravi de te voir revenir par ici !
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