Armée communale italienne

Armée de la Commune de Lucques (Lucca)

Communal italian DBA III/73a, Art de la Guerre (ADLG) 181 Communes italiennes

J’ai réalisé l’armée de la commune de Lucques, en Toscane, pour affronter mon armée papale (III/77). Si elles se ressemblent, celle de la commune est plus monolithique et moins versatile que l’armée romaine, puisqu’elle est composée pour moitié de lanciers (spearmen), ce qui dans DBA n’est pas si simple à manier… surtout face à une armée du pape plus diversifiée !

LE CARROCCIO

Le Carroccio est une spécificité propre à l’Italie du Haut Moyen-Âge, et à la manière de faire la guerre des communes libres italiennes du Nord. Grand char à quatre roues, tirés par des bœufs, il transportait les enseignes de la ville, une grande croix, un autel et la martinella, une grande cloche.

Si, en temps de paix, le Carroccio était gardé dans l’église principale de la ville, au moment de la campagne, il partait avec l’armée et participait au combat, protégé par des soldats d’élite. Parfois, pour le porter au plus vite sur le champs de bataille, il était démonté et ses pièces portées à dos de mulets.

A l’origine, ce char était utilisé par les arimanni lombards, les hommes libres qui combattaient dans le nord de l’Italie. Avec le temps, sa fonction devint plus symbolique et religieuse, et se diffusa sur la Lombardie et la Toscane essentiellement. Sa première utilisation comme symbole des libertés communales italiennes peut d’ailleurs être datée de 1037, quand le très puissant archevêque de Milan Aribert d’Intimiamo en fit l’usage face aux troupes de l’Empereur Conrad II le Salique qui faisait le siège de la ville lombarde. Symbole de l’unité des communes, réunissant cavaliers nobles et fantassins-citoyens, ces chars étaient aussi craints que convoités par l’ennemi !

La prise du Carroccio de l’adversaire était synonyme de grande victoire, ainsi quand en 1159 les troupes communales de Brescia réussirent à s’emparer du char de leurs adversaires de Cremona, ils le firent défiler triomphalement dans les rues de leur ville avant d’en démonter la cloche de la Martinella et l’installer sur la tour civique de la ville. Lors de la Bataille de Legnano, qui vit triompher les forces communales coalisées des villes lombardes contre l’Empereur Frédéric Barberousse, ce fut justement la résistance des milices autour du carroccio face aux chevaliers impériaux qui offrit contre toute attente la victoire aux villes lombardes.

Ce char de guerre mais pas de combat, vit sa doctrine d’usage varier avec le temps. Au XIIIème siècle, il ne fut plus seulement le point de ralliement de l’armée, mais une arme destinée à « ouvrir » les rangs ennemis en y étant projeté « rapide comme un destrier ». Ainsi un chroniqueur de l’époque pu, avec un certain sens de l’exagération, écrire la geste du carroccio de la ville de Padoue (Padova) « qui faisait trembler toute la terre partout où il passait, presque en volant comme un éclair ou un dragon » !

Appelé carochium, carozulum, carrocerum o carrocelum, voire en dialecte milanais caròcc o caròz, ce char tomba pourtant en désuétude au XIVème siècle avec la mutation des armées communales en armées de mercenaires, dont l’attachement aux couleurs municipales et à ses symboles étaient par nature inexistant.

Une armée citoyenne et féodale qui puise ses traditions dans l’antiquité

Un entrainement sous forme de jeux municipaux

Les communes libres italiennes, à l’image de leur lointaine ancêtre de la République Romaine, s’était dotées d’une armée citoyenne, formée de ses habitants.

Pour les entrainer au combat, les hommes participaient lors de certaines célébrations comme les carnavals à des jeux martiaux codifiés, permettant autant l’entrainement physique que tactique.

Les armées communales étaient essentiellement composées d’unités de lanciers, opérant à la manière des phalanges antiques, au coude à coude derrière des boucliers lourds, et d’unités d’archers et d’arbalétriers, ces jeux étaient destinés à donner un esprit de corps et la cohésion qui en découle, mais aussi au maniement des armes comme au port de l’équipement lourd.

Ainsi régulièrement, les hommes se retrouvaient sur un terrain spécialement prévu pour ces exercices, parfois d’ailleurs l’ancien « champ de mars » romain où s’entrainaient les légionnaires. Le tout sous la supervision de « Magistri belli » des instructeurs militaires dont on ne sait pas grand chose si ce n’est qu’ils étaient chargés de l’entrainement au maniement des armes comme des mouvements tactiques.

Répartis en camp et en unités représentant leurs quartiers, ils s’affrontaient dans des exercices d’une violence terribles qui comportaient généralement leur lot de morts. Baptisés à la mode antique pugna, bellum ou ludus, ou bien en italien « battaglia », « battagliola » ou « guerra« , ces jeux pouvaient aussi voir s’affronter les citoyens pauvres de l’infanterie, les pedites, contre les cavaliers nobles, les milites. Certaines de ces oppositions finissaient d’ailleurs parfois par de véritables et sanglants combats de rue, comme à Plaisance (Piacenza) en 1090.

L’archevêque Ubaldo, dans la ville de Gubbio, dû même légiférer pour modifier les règles du « combat entre citoyens » qui avait lieu durant la décennie 1130-1140.

Les habitants répartis quelque soit leur origine sociale en deux camps (ceux du haut et ceux du bas), subdivisés par quartiers, se battaient après les fêtes de Pâques de huit à 15 jours (!!!), pourchassant leurs adversaires jusqu’à leurs maisons. L’archevêque dû interdire l’usage d’armes pour éviter les massacres…

Au XIVème siècle, quand les armées communales laissèrent la place aux armées mercenaires des Condottieri, ces jeux prirent un aspect plus ludique et folklorique, sans pour autant se départir d’une certaine violence.

Une tactique basée sur la coopération entre cavalerie lourde et infanterie lourde

Les armées communales reposent sur quatre types de spécialisations opérationnelles : la cavalerie lourde, l’infanterie lourde des lanciers, les troupes de jet et les ingénieurs militaires. On peut y ajouter les troupes irrégulières dont les berrovieri (voir ci-dessous), troupes légères souvent montées, chargées d’éclairer, harceler et piller.

Pétris de principes antiques, influencés par les traités militaires romains (voir ci-contre Vegetius superstar), les stratèges italiens du haut moyen-âge souhaitaient reproduire le schéma romain d’armées combinant efficacement fantassins et cavaliers.

A l’origine, les cavaliers lourds, les milites, étaient des nobles, vassaux des communes dans lesquelles ils prirent rapidement toute leur place dans le jeu politique, en commençant par y installer des fils cadets, les ainés héritant des terres. Ces chevaliers contadini, de la campagne environnante, fournissaient la cavalerie lourde dont les communes avaient besoin pour se mesurer à leurs voisines d’abord, à l’empereur ou au pape ensuite.

Les fantassins étaient en revanche des roturiers, citoyens libres de la commune, à qui ils devaient un service militaire durant les campagnes, ainsi que la participation aux entrainements collectifs.

Si à l’origine les exercices pouvaient d’ailleurs opposer ces deux catégories, autant militaires que sociales (voir ci contre un entrainement sous formes de jeux municipaux), avec le temps, la coopération mua en cohésion à mesure que les frontières sociales s’estompaient : de plus en plus de cavaliers étaient des citoyens -suffisamment riches pour se doter de montures et de l’équipement requis- et l’on passa de miles-vassus (le combattant noble, vassal de la commune) au mile-eques, plus générique, abolissant la distinction sociale.

Par ailleurs, la collaboration entre ces deux types d’unités était particulièrement aboutie : loin de servir de point de fixation statique, les lanciers à pied prenaient souvent l’initiative de l’offensive, ou exploitaient les brèches ouvertes par les cavaliers. On a vu aussi, comme dans la pure tradition antique, des travaux de terrassement ou défensifs entrepris par ces soldats en parfaite coordination. On comprend alors les difficultés du Saint-Empire Romain Germanique à venir à bout d’armées communales bien équipées et aussi bien entrainées.

Végèce superstar

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la doctrine martiale des villes libres italiennes du Moyen-Âge à une source quasi unique : L’Epitoma institutorum rei militaris du Romain Vegetius, un manuel autant qu’un manifeste militaire, sans doute écrit à la fin du IVème siècle à la demande d’un Empereur qui pourrait être Théodose.

Durant tout le moyen-âge, et particulièrement en Italie, ce livre est la référence absolue pour tout ce qui touche à l’art militaire, de l’entrainement aux techniques de siège.

La ville de Crémone (Cremona), semble avoir la première mis à profit ses enseignements. Ainsi en 1159, elle eut recours au siège de Crema à des ingénieurs militaires qui conçurent des machines de sièges et de trait qui firent l’admiration de toute la péninsule.

Mais l’armée de Crémone, a au moins trois reprises, semble avoir utilisé l’antique tradition du camp de marche fortifié romain, utilisant leurs carroci alignés derrière un fossé. Les auteurs de l’époque, incrédules et vaguement désapprobateurs, notent néanmoins qu’en 1199, près de Borgo San donnino (aujourd’hui Fidenza), cette tactique leur permit de résister efficacement aux troupes de Milan et Plaisance. La même année, l’armée crémonaise reproduit la même tactique, refusant la bataille rangée et le siège de la place forte ennemie A Castelnuovo Bocco d’Arda, puis 24 ans plus tard à Castelleone.

A chaque fois, la tactique fut un succès, sauf la dernière. Il faut dire que pour les premières, les milices de Crémone bénéficiait d’un autre avantage : une artillerie bien plus évoluée que ses adversaires. Ils utilisèrent ainsi de puissants trébuchets (trabucchi), qui surclassèrent aisément les armes de jet de leurs adversaires.

C’est seulement en 1223 que leur adversaires réussirent à la copier, et à les battre.

D’où provenait une telle avance technologique, et pourquoi à Crémone. A mon sens, une hypothèse est séduisante : cette ville abritait Gherardo da Cremona (1114-1187), un érudit fameux pour avoir traduit de nombreux traités scientifiques. Une coïncidence, ou un passeur de savoir, y compris sur la science militaire ?

berrovieri

Berrovieri

Les armées communales italiennes, particulièrement celles des XIème et XIIème siècle, reposaient sur trois types de troupes : les chevaliers (milites), les lanciers à pied (pedites) et les tireurs (balisteros et arcieri), parfois montés pour les arbalétriers.

Aux côtés de ces troupes classiques, on trouve un autre type de combattant, spécifique à l’époque mais surtout à l’Italie septentrionale : les berrovieri.

Leur nom est une corruption italienne de berruyers, « qui vient du Berri », et à fini par devenir synonyme de malfrat. Mais avant de passer à la postérité comme des pillards particulièrement sadiques, les berrovieri ont été une spécialisation opérationnelle des armées communales.

Provenant essentiellement de Lombardie et de Romagne, les Berrovieri sont des cavaliers disposant de protection et d’armure, plutôt légères, et d’armes d’hast comme de jet, particulièrement des arbalètes. Leurs montures sont généralement de piètre qualité, en tout cas sans commune mesure avec celle des milites, nobles ou pas.

Employés comme cavalerie légère, ils excellent dans les coups de mains, les pillages et finalement la guerre d’embuscade qui représente l’essentiel des guerres communales.

C’est d’ailleurs la raison de leur réputation exécrable. Affecté aux tâches d’harcèlement et de pillages, ces cavaliers sont pour la plupart des mercenaires, contrairement aux autres unités, constitués de citoyens et de féodaux vassaux de la commune et très insérés dans sa vie politique.

D’ailleurs, les berrovieri , appelés parfois berroerii ou berruarii, signent individuellement un contrat d’engagement, généralement sur une période courte excedant pas trois mois soit le temps d’une campagne, dans lequel est prévue la solde (7 lire par mois à l’engagement, comme pour les arbalétrier à cheval, 11 pour les -très- rares possédant deux chevaux, somme passant à 3 lire pour un réengagement, ce qui reste important si ‘on compare aux 2 lire et 5 sous mensuels des arbalétriers à pied.

Mais surtout leur contrat prévoyait la somme de 10 lire par prisonnier capturé si la commune qui l’employait souhaiter le récupérer, dans le cas contraire le berroarius était lire de le rançonner, comme il était convenu que le butin des pillages lui revenait. C’est ainsi que ces cavaliers s’en firent une spécialité, au point que leur nom devint synonymes de voleur…et de policier, puisque les communes italiennes se dotèrent d’une force de police empruntant son nom à ces soldats-pillards.

Avec le temps, leur engagement individuel céda la place à un engagement collectif par l’intermédiaire d’un capitaine, qui préfigure les futurs condottieri.

berrovieri

L’origine des armées communales

Les communes italiennes sont les héritières d’une tradition antique bien ancrée en Italie, qui prévoyait la participation des habitants à la défense de leur ville.

A la fin de l’Empire Romain, les cités dotées de fortifications supervisaient leur entretien et leur défense, grâce à un praefectus urbis. Ce fonctionnaire, en était légalement chargé par des lois impériales, comme le Code Théodosien dans lequel les novelles 5 et 9 de Valentinien, qui comportent plusieurs dispositions sur la “murorum portarumque custodia” et sur la “reparatio” des murs, portes et tours dont il avait la charge.

Dans le Royaume Ostrogoth qui a suivi la chute de l’Empire, au début du VIe siècle, Cassiodore, à l’époque préfet du prétoire de Théodoric, donne des instructions aux cités italiennes mentionnant des“vigili portarum” (gardes des portes ?) et des “custodientes portas civitatis » (citoyens chargés de garder les portes ?). D’ailleurs Procope notera quelques années plus tard durant la reconquête byzantine de Bélisaire que les villes étaient gardées par des contingents de soldats professionnels… et de citoyens des cités elles-mêmes.

Durant la période de domination lombarde des VIIe et VIIIe siècle, les lois des nouveaux maîtres prévoyaient explicitement la levée de troupes dans les zones urbaines, que ce soit pour rejoindre l’armée royale… ou protéger les murs de la cité. Le recrutement, opérés par les iudices urbains parmi les exercitales, était codifié par les lois royales, comme l’équipement dont devait se munir les recrues en campagne.

Dans les villes encore sous contrôle impérial, il est attesté dans de nombreuses correspondances, y compris de Grégoire le grand, l’existence de milices civiques chargées de garder les murs : “vigiliae murorum”, “custodia civitatis”…

La surveillance des murailles comme leur entretien sont d’autant plus essentielles que la guerre de l’époque, après le passage des dernières armées impériales, se résume en réalité à une succession de sièges… souvent interrompus, tant la poliorcétique n’est plus maitrisée.

Les habitants qui gardent les fortifications peuvent aussi parfois rejoindre l’armée royale pour des batailles rangées. Paul le Diacre, dans son histoire des lombards (Historia Langobardorum), témoigne du rassemblement de l’exercitum regis, l’armée du Roi, et de contingents de “Spoletini”, “Foroiuliani”, “Tusci » . On retrouve le même phénomène dans les villes Byzantines, les textes de l’époque parlant d’“exercitus Romanus”, “Ravennatis”, “Pentapolitanus”, ”Campanie”, “Venetiarum”, “Histriae” ou “Sardiniae”. Il arrive d’ailleurs que lors de combats fratricides ces troupes communales s’affrontent entre elles : en 642, le contingent « romanus » fidèle à l’Empereur Maurice affronta la troupe « ravennatis  » de l’exarque rebelle !

A la suite de la conquête franque, c’est la législation impériale carolingienne qui s’applique, dans une continuité évidente.

En premier lieu, le service militaire (« l’hoste« ) est obligatoire pour tous, 40 jours par an : l’amende pour désertion s’appelle l’ heribannum. Au troisième refus de rejoindre la levée, c’est l’exil et la confiscation des biens. Une importante législation prévoit en outre les cas de fraude, qui démontre en creux la créativité des habitants des villes pour se soustraire à cette obligation. Charge était faite aux Comtes de lever les troupes « à la manière des Lombards », c’est à dire sur une base urbaine, et de traquer les déserteurs.

Le recrutement était aussi censitaire : en 866, les dispositions pour l’expédition de Bénévent de Ludovic II prévoient que les hommes pouvant payer leur Wergled (en droit germanique le « prix de l’homme », sa valeur en fonction de son rang social) rejoignent l’armée, ceux qui en ont que la moitié se rapproche d’un autre de même condition pour en envoyer un, et les autres, les pauvres, sont chargés de garder les fortifications.

Du IXe au XIe siècle, l’autorité impériale se délesta de ses obligations d’entretien des fortifications urbaines par un nombre énorme de donations aux autorités ecclésiastiques locales de murs d’enceinte et des quartiers afférents.

D’abord par « bouts », ces donations finirent par conférer au pouvoir religieux l’autorité publique que représentaient les droits attachés aux murs ainsi cédés. Le droit de police, mais de perception de taxes aussi. Naturellement l’entretien et la défense faisait partie de la délégation, comme le dit d’ailleurs très explicitement la donation en 904 à l’évêque de Bergame par Béranger I, confirme en 922 par Rodolphe II, charge aux « concives » du prélat, ses concitoyens, de les défendre.

Les Chroniques du XIe mentionnent régulièrement les citoyens des villes comme les gardiens de leurs murs, dont seuls les esclaves étaient exempts. C’est aussi le moment ou ils deviennent de véritables interlocuteurs politiques. A Rome, la nomination du Pape se fait aussi avec l’assentiment des citoyens armés. Ailleurs, les Empereurs traitent localement avec ce qui est devenu de fait un interlocuteur politique, parfois alternatif voir adversaire du pouvoir spirituel local, qui élit ses chefs (qui portent à l’origine le nom de « Dux », héritage de l’armée romaine). L’empereur Henri IV émet ainsi un diplôme pour les “Lucensis cives”, les habitants de Lucques, à qui il interdit abattre leurs murs (“murum Lucane civitatis”).

Cette reconnaissance n’empêche pas, dès le IXe siècle, les révoltes urbaines contre l’Empereur (Bologne en 844 face à Lothaire, Pavie en 886 contre Charles le Gros puis en 893 contre Arnulf, Rome en 961 contre Othon…), jusqu’à ce que les communes, dotées d’armées citoyennes sur lesquelles se fonde leur indépendance, deviennent des états à part entière.

La Plaustrella, le char d’assaut médiéval, une innovation technologique des communes italiennes et de leurs ingénieurs

Les Communes italiennes ont été très inventives, s’appuyant sur des ingénieurs géniaux, des charpentiers « de guerre » de haut niveau comme ceux de la Vallée d’Intelvi, entre le lac de Côme et la Suisse, renommés depuis le Xème siècle… et la redécouverte des traités militaires antiques comme l’epitoma rei Militaris de Végèce (qui recèle de nombreuses innovations comme des armes de traits montées sur des chars à bœufs) ou le de rebus bellicis d’un auteur romain anonyme, qui ne manque pas non plus de propositions technologiques disruptives.
En 1335, le Roi de France Philippe VI reçut d’un ingénieur italien, Guido da Vigevano, un ouvrage appelé Texaurus regis Francie. L’auteur lui envoyait avant son départ en croisade, afin que le souverain puisse fabriquer des machines de guerre « dont personne n’avait encore eu jamais connaissance ».
 
Ce manuel, futuriste pour l’époque, eut un énorme retentissement, et fut d’une grande influence pour nombre de savants, dont Léonard de Vinci, malgré des idées parfois impraticables.
Les idées de Guido da Vigevano ne sont pourtant pas aussi originales que voudrait le faire croire l’auteur : ainsi le livre 4 de l’épitoma rei militaris semble avoir été une source « d’inspiration » assez directe, notamment pour les tours de siège comme pour les « ponts » élévateurs pour accéder aux fortifications adverses.
De même, la »panthera« , protection mobile hérissée de fers, trouve sans doute son origine dans le currodrepanus de l’anonyme du rebus bellicis, et plus encore dans les boucliers entourés de fers acérés du currodrepanus clipeatus du même auteur. Enfin, ses propositions de machines de tirs mobiles rappellent la proposition de ballista quadrirotis… 

La précision de ses travaux ne devait pas qu’à ses emprunts, d’autant que l’auteur était un célèbre… médecin ! Il est fort probable que Guido da Vigevano, dans la tradition de l’époque, ait compilé un savoir accumulé et expérimenté par ses contemporains.

Le Xième siècle est en effet le début d’un « moyen-âge » technologique, particulièrement en Italie du Nord. A Milan, Gênes ou Pise, des « Ingénieurs célèbres » étaient courtisés jusque par l’Empereur lui-même pour faire construire des machines de siège. L’un des plus connus était Guglielmo da Guintellino, un architecte génois au service de la Commune de Milan, de 1156 à 1162, période pendant laquelle il construisit pour la capitale lombarde un grand canal qui existe encore, le Naviglio grande, des bastions, les remparts de la ville rasés plus tard par Frédéric Barberousse, comme des ponts amovibles et autres tours de siège. Un autre de ses collègues, Marchese, de Crema, était réputé pour être « bien plus ingénieux que les autres » ! Il était tellement réputé qu’il finit au service de l’Empereur, et ses machines furent aussi efficaces que fameuses, impressionnant les chroniqueurs par leur performances.

Pour revenir à « Mastro Guintelmo », il fit construire en 1160 100 plaustrella, des chars hérissés de fers qui mis côte à côte empêchaient les ennemis d’avancer. Mieux, les Milanais avaient positionné des mangonneaux pour accabler le Parme à la bataille de San Cesario sul Panaro, sans doute grâce à un ingénieur bolognais de renom, Mastro Buvalello.

La maîtrise de ces innovations est donc directement liée à la présence de ces très recherchés ingénieurs, qui comme les autres artisans du moyen-âge transmettent de père en fils leur savoir. Après Guglielmo da Guintellino, on trouve 20 ans après jusqu’en 1196 un « ingénieur de la commune de Milan » appelé Alamanno de Guitelmo, sans doute le fils. En 1269, on trouve encore à Milan un « magister Alamannus ingegnerius » et enfin, entre 1297 e 1311, un magister Alpinus Alamanni ! Pendant au moins un siècle et demi, la même famille fournit les compétences techniques à la capitale lombarde pour développer son matériel militaire de pointe.

Le carroccio comme la plaustrella sont des inventions italiennes du moyen-âge que l’on ne retrouve qu’en italie centrale et du nord