Bélisaire : l’Empire contre-attaque !

Rome est tombée. Mais Constantinople, la nouvelle capitale des Romains, est décidée à délivrer du joug barbare le berceau de l’Empire. l’Empereur Justinien veut reconquérir toute la partie occidentale de l’Empire, perdue depuis un siècle. Pour cela, il va s’appuyer sur un général de génie, Bélisaire.

La composition de l’armée byzantine de Belisaire

l’Armée de Bélisaire est assez différente de celles de ses prédécesseurs. Sans remonter à la période du Haut-Empire, même les armées dérivées des réformes de Dioclétien et de Constantin, qui défendirent avec tant de succès l’Empire, ne ressemblaient pas à celle de Bélisaire. En deux siècles, la pratique martiale a changé.

Un événement a en effet profondément modifié la conduite de la guerre : l’irruption des Huns, et de leur archerie incomparablement supérieure en puissance et en portée grâce à leur arc composite, doublée d’une grande maitrise à cheval.

Depuis, les forces statiques sont condamnées à être criblées jusqu’à la désunion avant d’être définitivement dispersées par une charge lourde. Cette combinaison a eu le dessus en Europe Centrale et Orientale sur tous les peuples barbares (Goths, Hérules, Gépides, Ruges…) , jusqu’aux armées romaines qui ont eu le plus grand mal à s’en défaire, notamment dans la partie occidentale de l’Empire.

Mais une des constantes des Romains, c’est qu’ils apprennent vite. Après avoir commencé par débaucher (à prix d’or !) des contingents Huns, leur savoir faire fut progressivement assimilé par les unités romaines, jusqu’à ce que l’élite formée essentiellement des cavaliers de la garde impériale (scholaires, excubiteurs peut-être ?), des Bucellaires (qui de garde personnelle des généraux avaient acquis un statut hybride, semi-régulier) et des régiments de cavalerie des armées de campagnes ne soient totalement opérationnels dans le maniement de l’arc et de la lance.

L’avantage tactique des Huns avait vécu, et allait particulièrement servir dans les campagnes contre les Royaumes Barbares, Vandale ou Goth, qui continuaient en revanche à faire la guerre comme au VIème siècle, par le « simple » contact de mêlée.

L’importance de ces unités montées était telle que les unités d’infanterie lourde, pierre angulaire des armées romaine pendant un millénaire, n’étaient plus que secondaires.

Toujours nécessaires, elles jouaient essentiellement un double rôle : sur le champs de bataille elles servaient de point d’ancrage derrière lequel se reformer si les unités de cavalerie perdaient leur cohésion. Et surtout, elles permettaient de tenir efficacement la garde des places fortes et des villes : la guerre du VIème siècle est aussi et surtout une guerre de sièges, la poliorcétique est de nouveau vitale dans sa maitrise.

Il n’y a pas que la place centrale de l’archerie montée qui change le visage de l’armée romaine du VIème siècle, comparée à celles qui l’ont précédée. C’est aussi son incroyable diversité. Bien sûr les légions ne sont plus des unités de conscrits depuis longtemps, mais désormais les unités « romaines » ne forment plus qu’un noyau dur, essentiellement d’unités traditionnelles d’infanterie lourde et de cavalerie régulière, plus rare.

Pour compléter ses armées, l’Empire s’appuie sur trois autres sources de recrutement :

  • Les bucellaires, soldats semi-réguliers attachés à un général mais désormais payés par l’État, qui peuvent être aussi bien romains que barbares.
  • Les fédérés, soldats étrangers regroupés par ethnie et spécialité opérationnelle : s’ils ont des officiers impériaux (romains ou non), ce sont des fédérés, s’ils combattent sous l’autorité de leurs chefs, ce sont des symmachoi, des alliés. cavaliers Massagètes, Hérules ou Gépides, infanterie Isaurienne (des montagnards de l’Empire, mais tellement sauvages qu’ils sont vus à l’origine comme des étrangers !), archers à pied ou à cheval Slaves, cavaliers lourds Arméniens, cavaliers légers Numides ou Arabes, la liste est longue. Contrairement à leur emploi au IVème et Vème siècle, leur fidélité est des plus problématique. En pleine campagne d’Italie, on aura ainsi vu les Hérules abandonner la péninsule pour retourner dans les Balkans, non sans vendre leurs prisonniers et leur butin aux Goths !
  • Les prisonniers de guerre. Suivant en cela une vieille coutume romaine, les ennemis malheureux se voyaient délestés d’une partie (la meilleure…) de leur force combattante, déportée aux confins de l’Empire pour s’y battre au service de leurs vainqueurs. On trouve ainsi dans les armées de Bélisaire, et de Narsès son successeur, des unités de cavalerie Perse ou Persarménienne, dont certaines portent le nom des villes ou ils ont été capturés, comme les Cadisiani. A l’inverse, 2000 cavaliers vandales furent « enrôlés » après la défaite de Gélimer dans quatre unités de Vandali Iustiniani, déployées à la frontière..Perse. En réalité une d’entre elle réussit à prendre le contrôle de la flotte qui la déportait et participa à la mutinerie de Stotzas en Afrique !

Enfin, la conduite des opérations est très différente : moins sûre de sa supériorité, l’armée romaine s’appuie sur les stratagèmes, la guerre de siège, les escarmouches et le renseignement avant de s’engager dans de grandes batailles ou chaque défaite peut signifier la ruine de l’Empire : il n’existe plus les conditions d’une régénération de l’appareil militaire comme auparavant. Les armées de Bélisaire n’ont jamais excédé les 25 000 hommes, et l’Empire les lui a mis à disposition avec la plus grande peine. Leur perte eut été un risque colossal : la leçon d’Adrianople a bien été retenue.

Même dans les batailles rangées, l’usage de l’archerie montée, au-delà de la supériorité qu’elle procure sur certains adversaires, permet aussi de limiter ses propres pertes. Il ne faut pourtant pas en conclure à la perte de qualité de l’infanterie romaine, qui à chaque fois qu’elle a été engagée s’est révélée valeureuse : c’est juste que devant la rareté de la ressource militaire, les officiers impériaux hésitent toujours avant de l’engager.

Belisarius
Bélisaire, général de Génie

Il est difficile d’expliquer à quel point ce général a changé le cours de l’histoire. Sans lui, le grand dessein de Justinien n’aurait jamais existé. D’abord parce que plein de résolutions et de sang-froid, il a mis fin à la sédition Nika qui menaçait d’emporter l’Empereur. Ensuite parce qu’il remporta une cinglante victoire contre l’Empire Perse à Dara, démontrant tout son savoir-faire tactique, malheureusement sans lendemain sur cette campagne.

Mais surtout parce qu’il réussit l’impensable en quelques semaines : reconquérir l’Afrique Romaine au mains des Vandales, après les échecs catastrophiques de Majorien et Basiliscus. Chanceux dans son débarquement (les tentatives précédentes avaient échoué sur la mer (jusqu’au port de départ en Espagne pour Majorien !), puisque jamais les Vandales n’avaient permis à une armée romaine de mettre un pied en Afrique, il fut en revanche habile, tactiquement et diplomatiquement, pour vaincre en deux batailles et en n’employant en réalité que ses 7000 cavaliers : il n’eut même pas le temps d’engager son infanterie !

La liste de ses hauts faits ne s’arrête pas là : littéralement à lui seul il pacifie l’Afrique qui s’était embrasée à son départ, conquiert la Sicile sur les Goths puis l’Italie, en soutenant notamment brillamment un siège d’un an et neuf jours dans Rome, assailli par une armée Gothe très largement supérieur au petit contingent avec lequel il avait entrepris sa conquête.

Mais ce qui consacre définitivement son génie à mon humble avis, c’est sa dernière victoire. En 559, Bélisaire est à la retraite, dans une sorte de semi-disgrâce. Il est rappelé d’urgence par Justinien, paniqué : les Huns Koutrigoures du Khan Zabergan ont franchi la Danube gelé, dévasté la Thrace et menacent même Constantinople.

Bélisaire, démuni, fait appel à 300 vétérans de ses précédentes campagnes, qui fidèles parmi les fidèles, qui répondent à son appel. Pour faire nombre, le général fait masse en recrutant une foule de civils destinés à impressionner l’adversaire.

Face à lui, 2000 terribles cavaliers Koutrigoures qui accompagnent en avant garde leur Khan. Il réussit pourtant à les repousser avec de lourdes pertes, en leur tendant un piège : il demanda à sa milice de paysans de faire énormément de bruit dans les bois en frappant les arbres et en hurlant pour laisser croire à une grand troupe sur laquelle les huns se rendirent, méfiants. Bélisaire avait li divisé ses maigres forces en deux, pour attaquer en tenaille ses adversaires. Le stratagème réussi, la victoire fut telle que les Huns repassèrent le Danube et Constantinople fut sauvé. Quand même !

primi Theodosiani

Nous savons que l’unité des Primi Theodosiani était basée à Florentia/Florence en 547 quand fut enterré son primicerius Mabrobus. Elle a sans doute fait partie, comme les Regii par exemple, du corps expéditionnaire de Bélisaire.

Cette unité d’élite était néanmoins employée dans une nouvelle configuration : rarement déployée en bataille rangée en première ligne, elle servait plutôt à garder les murs des villes et castra stratégiques, ou en deuxième ligne derrière la cavalerie lourde pour éventuellement lui permettre de se reformer en cas d’échec.

Numerus Constantini Dafnenses

Cette unité nous est connu autant par la Notitia Dignitatum que par un plat commémoratif, le Missorium de Valentinien (sans doute le Valentinien II), qui reproduisent tous deux le schéma de son bouclier, assez original pour l’époque. C’est le choix d’Orion de copier (imparfaitement) le motif, d’où mon utilisation de cette référence, avec quelques modifications/conversions pour ne pas verser dans l’anachronisme !

les différentes couleurs données au motif du bouclier des Constantini Dafnenses

Cavallerie reguliere : Kavallarioi
Symmachoi slaves

Les slaves,installés près du Danube sous l’autorité de multiples petites chefferies, étaient autant une menace de pillages des zones frontalières qu’une source de mercenaires à bas prix.

Akritai

les akritai sont les successeurs des limitanei du bas-empire.

Ils sont formés de contingents venant de toutes les parties de l’Empire. Avant de recruter massivement localement en Italie et en Afrique, Bélisaire et Narsès purent s’appuyer sur des levées de Thraces, d’Illyriens, de montagnards Isauriens et même de Goths rejoignant le service de l’Empire.

Cavaliers Huns

Les cavaliers Huns, appelés aussi Massagètes, Unnigardes ou scythes par les Romains, étaient encore très utilisés par les Romains, même s’ils étaient désormais moins dépendants de leur savoir-faire d’archers à cheval.

CAvaliers Herules

Les Hérules étaient de vieilles connaissances des Romains : ils formaient avec les Gépides et les Lombards l’une des grands confédérations germaines hors de l’Empire, ou plus exactement un pied dedans et un pied dehors : fédérés de l’armée impériale depuis des siècles (un auxilium d’Hérules avaient déjà été levé par Constantin !), certains s’étaient même installés en Italie à la suite de la prise de pouvoir d’Odoacre, dernier chef de l’armée impériale de Ravenne à l’époque ou celle-ci n’était plus qu’un ramassis de fédérés barbares sans loyauté.

Le Siège de Rome 537-538. Bélisaire contre Vitigès

Pendant un an et neuf jours, l’armée romaine de Bélisiaire a soutenu le siège d’une grande armée Gothe. Déployant des trésors d’ingéniosité et d’énergie, le général Romain a réussit à garder la ville éternelle, en rétablissant d’abord ses défenses, puis en harcelant par des sorties meurtrières ses assiégeants

Bataille du camp de Néron devant la porte Salaria

Quelques ressources documentaires pour en savoir plus sur l’armée de Justinien et Bélisaire

Comme souvent dès qu’on fait des recherches historiques un peu pointues, il vaut mieux être polyglotte ! Sur ce sujet, le français, l’anglais et l’italien sont de rigueur.

Mes dernières lectures ont été très instructives, en commançant par l’inévitable Giorgio Ravegnani, qui a notamment publié ce travail dont je me suis beaucoup inspiré sur les unités connues de l’armée romaine du VIème siècle : Le unità dell’esercito bizantino
nel VI secolo tra continuità e innovazione – en italien

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Slack dit :

    Hello, I have some questions; how you make the shields for the Theodosiani units? What material did you use? What diameter did you cut them? And how did you attach them to the figures? Also about the MiniArt figurines; they come in a thick red dust when you get them, how did you go about cleaning them so they were ready to paint? Thank you

    Aimé par 1 personne

    1. chariobaude dit :

      Hello Slack, sorry for answering so late ! Shields are handpainted : i used the great italeri late roman ones, covering the engraved pattern. The MiniArt gave me lot of work to make them ok, you have to wash it with… regular soap and a toothbrush ! If it doesn’t go away with the soap, use nail polish remover ! I borrow the one from my wife and it works very well!

      J’aime

Laisser un commentaire