Fédérés Huns – Foederati Hunni

Quand on pense Huns, on pense Attila. C’est évidement le personnage le plus important de la (très) courte histoire des Huns, mais résumer les relations de l’Empire Romain avec les Huns à ce seul Roi est une grande erreur.

De la même manière que pour mon article sur les fédérés Goths, l’objet ici n’est pas de faire toute l’histoire hunnique, mais plus modestement celle des quelques années où ces guerriers furent les très zélés soldats des Romains.

Pour bien comprendre le cadre de leur apparition dans l’histoire romaine, les Huns ont en réalité commencé à la percuter avant même que les Impériaux ne connaissent leur existence.

attila mini fig figurine painted peint pro 20mm
Attila vient de franchir le Danube avec sa horde, mais l’armée romaine ne se montre pas : le pillage peut commencer !

Les grandes invasions n’ont pas été spontanées : les peuples qui se sont précipités sur les frontières romaines l’ont tous été par un effet de domino qui commence avec l’irruption des Huns sur leur territoire. Les Goths par exemple, puissant peuple, structuré et aux relations bien établies avec l’Empire et la dynastie Constantinienne, n’envahissent l’empire que parce qu’ils fuient littéralement l’invasion hunnique. Les vainqueurs d’Adrianople arrivent sur le territoire romain en suppliant, et leurs premières années en Mésie sont celles de migrants affamés et misérables. Les Vandales, les Suèves ou les Alains sont dans le même cas : ils quittent sous la menace leur pays d’origine.

Qu’est-ce qui explique les succès des Huns face à des peuples aussi combatifs que les Germains ou les Alains ? Une férocité inédite, même pour l’époque, sans doute. Mais il semblerait que ce soit surtout leur arc asymétrique, en matériau composite et d’une taille jamais inférieur à 140 cm, bien supérieur à celui des Germains… et des Romains, auquel les Huns doivent leurs victoires.

Cet arc permettait de tirer à une cadence bien supérieure, avec une puissance telle que les armures légères n’étaient d’aucune protection. Mieux, leur asymétrie (la branche inférieure était plus courte) leur permettait d’être utilisé à cheval avec une portée infiniment supérieure à celle de leurs adversaires. Autrement dit, tant que les Huns avaient des flèches, ils tiraient au pigeon !

cavalier hun archer à cheval 1/72
les cavaliers huns tiraient plus vite, plus fort et plus loin que leur adversaire grâce à leur arc asymétrique… absolument pas représenté sur cette figurine. Ca set de Hät est probablement est des lus mauvais

L’emploi de l’arc Hun était rendu encore plus efficace grâce à la stabilité qu’assurait aux archers montés un harnachement particulier. Les cavaliers hunniques utilisaient en effet une selle dure, dont la structure était en bois était renforcée par de hautes arcades dissymétriques. Cette forme, définitivement mise au point dans le dernier quart du IVe siècle ap. J.-C., fournissait une bien meilleure assise au cavalier que les selles connues jusqu’alors dans le bassin Méditerranéen et rendait le tir à cheval autrement plus précis. Un dernier élément assurait la supériorité des cavaliers hunniques : leurs montures, dont les qualités de résistance et de docilité ont forcé l’admiration de leurs contemporains.

Le philosophe et homme politique Synésius écrivait ainsi qu’en 411, dans la Pentapole (la Lybie antique), 1000 envahisseurs barbares avaient été massacrés par… 40 cavaliers Unnigardes (un autre nom Romain pour les Huns) !! Il en réclamait 200 supplémentaires pour assurer la sécurité de la province, assurant dans le même temps que le reste des troupes plus « romaines » serait plus utile en garnison qu’en combat rapproché. Au delà de la figure du style, voire du topos, il semble que l’efficacité des auxiliaires Huns était phénoménale, surtout contre les barbares.

Au-delà d’un équipement qui conférait une puissance de feu et une assise inédite, il semble que les Huns avaient aussi un avantage d’ordre opérationnel : la capacité à créer la surprise sur le champ de bataille. Ammien Marcellin les décrit comme capables de se déplacer sur de très longues distances sans être repérés et de fondre sur l’ennemi à l’improviste, en ordre dispersé pour ne pas donner un cadre de riposte à l’adversaire, qui ne sait littéralement pas où donner de la tête. A Adrianople, ou leur cavalerie était bien représentée dans celle des Goths, comme à Faesulae (voir plus loin), l’encerclement par surprise semble leur tactique de prédilection.

Les Romains, en bons pragmatiques, eurent vite recours à des mercenaires Huns. Quelques années à peine après les premiers contacts militaires avec les Huns, l’Empire romain procéda à un véritable « transfert de technologie » en employant massivement les compétences des nouveaux venus. Des cavaliers hunniques, servant au titre d’accords ponctuels avec l’État romain, fédérés ou bien intégrés aux structures régulières de l’armée romaine, sont attestés dans l’Empire dès 384. Théodose en recrute contre Maxime et ils prennent part à la victoire sur l’usurpateur à Siscia en 388. Mais dans un premier temps ils restent assez rares, et furent surtout employés comme gardes du corps des puissants Romains, généraux ou hommes politiques, suffisamment riches pour se payer leurs services.

hat set huns 8298
La horde hunnique avance sans résistance, mais l’arc sorti en cas de surprise… Ces Hat 8298 ont été manifestement fait rapidement : peu de poses, véracité historique très moyenne, qualité de la moulure médiocre…

De la même manière qu’un Empereur comme Gratien s’était entouré d’une garde rapprochée d’Alains, le maitre de l’Empire d’Occident du début du Vème siècle, Stilicon, disposait d’une garde privée de Huns de 300 cavaliers (l’exact équivalent d’une vexillation, unité régulière de cavalerie romaine). Appelés Bucellaires, ces soldats privés d’un nouveau type n’avait de fidélité que pour leur patron, sans considération de légitimité politique. Dans le cas de Stilicon, ses bucellaires Huns se firent massacrer pour leur maître lors de son arrestation à Bologne par les … 300 bucellaires Goths de Sarus !

Au même moment, à la cour de Constantinople, l’homme fort du régime, Rufinus, avait lui aussi une garde de Huns… massacrée avec leur maître encore une fois par un Général Goth, Gaïnas, et ses fidèles !

Dès lors, il est assez aisé de conclure que les Romains ont trouvé dans les Huns une main d’œuvre militaire de qualité pour contre-balancer l’influence des Goths, et présentant toutes les garanties d’indépendance. Il faut dire, qu’au-delà de leurs qualités militaires, les Huns étaient réputés pour une chose : leur amour de l’or !

De mercenaires dévoués et grassement payés, les Huns passèrent aux statuts d’alliés largement rémunérés. En 405, lors de l’énorme invasion de l’Italie menée par le Goth Radagaise, l’armée impériale semblait insuffisante pour la repousser. Stilicon dût à la fois procéder à des rappels de troupes de tout l’Empire, jusqu’à la lointaine Bretagne et ses féroces légionnaires, mais aussi s’entourer d’alliés.

figurine hun
ce Hun monte la garde devant la maison de ce village romain : un trésor y est gardé à l’intérieur, fruit de ses pillages…

Le premier à répondre fut Sarus, candidat malheureux au titre de roi des Goth face à Alaric, mais qui pouvait manifestement compter sur un parti de fidèles suffisamment nombreux et combattifs pour très vite s’intégrer au jeu politico-militaire Romain.

L’autre allié était le Roi Hun Uldin. Cet homme, pas plus d’ailleurs qu’Attila, ne régna sur l’intégralité des Huns. Basé dans l’actuelle Hongrie, il exerçait son pouvoir sur la sphère d’influence occidentale des Huns. Il avait bâti depuis quelques années des relations avec les cours impériales. Il avait par exemple offert à l’Empereur d’Orient Arcadius la tête décapitée du général Goth félon Gaïnas, qui s’était enfui sur ses terres avec ses hommes.

A l’appel de Stilicon, Uldin répondit en dirigeant son armée au service des Romains. Son apport fut d’ailleurs décisif, puisqu’une partie de la horde de Radagaise fut encerclée et anéantie justement par la cavalerie hunnique à Faesulae, la colline de Fiesole qui surplombe la Florence moderne.

Il est intéressant de noter que le même Uldin, à peine trois ans plus tard, se signala par des incursions en Mésie, province de l’Empire romain d’Orient. Après des succès initiaux, et une demande de tribut exaucée auprès du malheureux commandant Romain de Thrace débordé, les Romains prirent des mesures énergiques.

Uldin s’était rué sur la région, informé qu’il était des situations militaires des deux pars imperii : à l’ouest Stilicon était bloqué par la surveillance des Goths d’Alaric en illyricum, alors qu’à l’est, les armées impériales avaient massivement été envoyées contrer la menace perse.

En 409, conscient du caractère critique de la situation, l’Empereur d’Occident se résolu à confier à un général capable mais païen, Generidus, le commandement (au titre de Comes Illyrici ?) d’une armée composée de détachements de Dalmatie, Norique, Rhétie et Pannonie Première. Sans doute des limitanei, ce qui prouve une fois de plus que les troupes frontalières, sans avoir le prestige de leur sœurs des armées de mouvement, étaient tout ce qu’il y a de plus valables, en tout cas encore au début du Vème siècle.

Il s’acquitta si bien de sa mission qu’il put envoyer des Huns (10 000 selon les historiens de l’époque, sans doute beaucoup moins : des prisonniers ou des transfuges ) en renfort à Honorius quelques mois plus tard pour contrer les manœuvres d’Alaric en Italie. Trois ans après Uldin était mort.

Ces relations de mercenaires/envahisseurs seront une constante des relations hunno-romaines jusqu’à la désagrégation rapide de l’Empire hunnique des fils d’Attila.

Le meilleur exemple est évidemment Aetius. Ce général Romain, un peu abusivement considéré comme le « dernier des Romains », fut un remarquable chef de guerre, sans doute le meilleur de son temps, qui battit à peu près tout ce que le monde comptait d’adversaires des Romains : Goths, Francs, Burgondes, Bagaudes, Alains, Saxons et Attila lui-même, au faîte de sa puissance.

Ce qui est intéressant, c’est qu’il doit ses victoires à trois éléments : son génie militaire indéniable, un choix judicieux de jeunes officiers qui firent tous de remarquables carrières par la suite (Majorien, Avitus, Litorius ou Ricimer, les deux premiers finissant Empereurs et le dernier l’étant de fait…) et les Huns.

Très jeune, Aetius avait été placé comme otage à la cour d’Alaric, puis à celle de Ruga, le roi des Huns. Cette coutume, qui prévoyait l’échange d’otages de haut rang pour faire respecter les accords diplomatiques, permit au jeune Romain de se faire de solides contacts auprès des Huns. Aussi quand plusieurs années plus tard, revenu à Ravenne où il exerçait des fonctions administratives, il prit le parti d’un usurpateur du nom de Jean, celui-ci lui donna l’ordre de recruter une armée d’auxiliaires Huns.

Quand Aetius revint avec une grande armée hunnique, il était trop tard, Jean avait été exécuté et le coup d’état avait échoué. Mais son imposante escorte permit au mutin de s’en tirer à bon compte : non seulement il fut pardonné, mais il fut rapidement promu magister equitum per gallias. Il y fit des merveilles, notamment grâce à sa garde hune, dont on ne connait pas l’importance.

Elle devait être considérable, car quand Attila décida de s’en prendre aux Romains, dans les premières « demandes » qu’il leur fit, se trouvait l’interdiction absolue d’utiliser des mercenaires Huns. Et ceux de son peuple présents en terre romaine devaient lui être remis pour être suppliciés. L’objectif était évident : ne pas perdre comme bien d’autres barbares la meilleure part de sa main d’œuvre militaire, partie s’enrichir au service des Romains.

Il est assez révélateur que la défaite d’Attila aux champs catalauniques puis son invasion avortée de l’Italie furent fatales à son vainqueur Aetius. Les Huns sortis du jeu, son pouvoir politique s’écroula, et l’Empereur Valentinien III l’assassina de sa propre main, sans doute justement effrayé par son pouvoir. A noter que six mois plus tard le même empereur fut trucidé par deux bucellaires d’Aetius, Optila et Thraustila, qualifiés de Huns mais dont les noms ont plutôt une consonance gothique.

S’il disparurent rapidement de la scène internationale, les Huns fournirent des auxiliaires à l’Empire d’Orient pendant plus d’un siècle encore. Assez étonnamment, ils semblent avoir disparu de la partie occidentale dès la moitié du Vème siècle : leur reflux en Europe orientale aura rompu les canaux de recrutement.

A quoi ressemblaient les Huns ? Question doublement difficile : d’abord parce qu’il ne reste rien d’autres d’eux que les témoignages de leur ennemis. Les Huns étaient des nomades et n’ont donc laissé aucun immeuble, aucun monument. Il ne connaissaient pas non plus l’écriture, et par conséquent, aucun texte ne leur a survécu.

L’autre difficulté, c’est qu’en réalité les Huns ne représentaient qu’une minorité ethnique dans leur « royaume » : la majorité était constitué de germains (Ostrogoths, Gépides, Ruges… ),  d’Alano-sarmates et d’une foule de captifs provenant de l’Empire. Contrairement à l’image d’Épinal,  l’armée hunnique ne ressemblait pas à une nuée de cavaliers aux traits mongols, mais à un immense puzzle multiethnique dont la composante de fantassins germains était l’écrasante majorité.

L’aspect féroce des Huns n’est pas à sous-évaluer. Les Romains n’étaient pourtant pas d’un naturel impressionnable, si l’on parle des militaires. Au fil du temps et de la séparation des mondes civils et militaires, ce dernier sembla toujours plus repoussant au premier. Ainsi lors d’un défilé des légionnaires de Septime Sévère à Rome (au IIIème siècle !), un écrivain local fut effrayé par l’aspect d’animaux et de barbares repoussants que dégageaient des soldats pourtant citoyens romains, mais déjà des marges de l’Empire (Gaule Belgique, Germanies, Pannonies, Bretagne….), moins romanisées.

Mais les descriptions des Huns qui nous sont parvenus ont de quoi impressionner : petits et trapus, aux traits mongoloïdes, les Huns travaillaient particulièrement leur aspect hideux pour effrayer leurs adversaires.

D’abord par une déformation du crâne, effectuée dès le premier âge : en comprimant fortement par des bandages la tête des nourrissons, leur crâne prenait progressivement une forme allongée. Une « mode » qui fit d’ailleurs des émules chez certains peuples germaniques (Francs,  Burgondes…).

Ensuite, les Huns se lacéraient les joues pour empêcher la pousse de la barbe. On imagine l’allure de ces cavaliers, qui par ailleurs étaient vêtus de hardes et de peaux maculées.

Pour réaliser mes Huns j’ai utilisé le set Hät 8298. La première chose à en dire, c’est merci Hät ! Si ce fabricant n’existait pas, deux voire trois siècles d’histoire militaire passionnante ne seraient pas couvert par les principaux fabricants de figurines. A part la marque italienne Lucky Toys, ce sont les seuls à proposer des Huns.

Ensuite la qualité est plus que moyenne, comme une fois sur deux avec Hät. Première critique, et de taille : il n’y a que 12 chevaux… pour 15 figurines !! Une vaste blague.

Ensuite, les arcs ne sont pas asymétriques, ce qui est un contresens historique absolu, comme vous l’avez lu plus haut. De même la taille des huns, larges et massifs, fait sans doute référence à leur côté trapu, mais pas petit…

C’est donc un sens médiocre, mais n’étant ni fan des (maudits) fédérés et encore moins des huns, qui fera la blague. La mise en couleur a été compliquée, ces figurines ne tenant en plus pas la peinture. Bref un set à oublier, qui remplit sa fonction de « chair à canon » de troupes que je n’aimais déjà pas. Vous noterez d’ailleurs le peu de photos dans cet article. J’ai fait le minimum minimorum, et cette que j’ai publiées n’ont pas fait l’objet d’un long travail : en 5 minutes c’était plié.

Je viens de trouver sur le web en accès libre cet article de Sylvain Janniard, jeune historien, spécialiste de l’armée tardive romaine, précisément sur les adaptations de l’armée romaine aux modes de combat des peuples des steppes (fin IVe-début VIe siècle apr. J.-C.). Je lui ai d’ailleurs piqué deux paragraphes !